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Solidarité Allaitement
15 février 2013

Le manque de lait, un mythe culturel ?

- Dans un document destiné au grand public, « le guide de l’allaitement maternel » de l’Inpes (Institut national pour la prévention et l’éducation à la santé), voilà ce qu’on peut lire :
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« Est-ce que j’aurai assez de lait ? »

Il est rare de manquer de lait. Une fois l’allaitement démarré, il n’y aura pas de problème à partir du moment où votre enfant tète de façon fréquente et efficace, car c’est la succion du bébé qui entretient la fabrication du lait. L’important est de se faire confiance ; les associations de soutien à l’allaitement peuvent vous y aider.
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- Sur le site de La Leche League, à la rubrique « manque de lait », on lit ceci :

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Les insuffisances de lactation vraies sont rarissimes. Dans la plupart des cas, soit on croit à tort manquer de lait (par exemple quand le bébé se met soudain à réclamer davantage parce qu’il est dans une poussée de croissance), soit le manque de lait est dû à des conseils inadaptés sur la conduite de l’allaitement (limitation du nombre et de la durée des tétées, notamment) ou à la reprise d’un contraceptif oral.
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- Si on pousse un peu plus loin, dans un rapport de recommandations en matière d’allaitement jusqu’à l’âge de 6 mois, faites aux professionnels et diffusé par la HAS (Haute Autorité de Santé), on trouve ceci :

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L’insuffisance de lait physiologique est très rare. Dans la majorité des cas il s’agit soit de la perception d’une insuffisance de lait, soit d’une insuffisance de lait secondaire, donc d’un phénomène transitoire et susceptible d’être corrigé par l’optimisation de la pratique de l’allaitement associée à des encouragements et du soutien visant à restaurer la confiance de la mère dans ses capacités à satisfaire les besoins de son bébé.

…/…

Pour appréhender l’insuffisance des apports de lait maternel et aider les mères, une formation des professionnels de santé et une éducation des familles est indispensable. Il s’agit :

– de faire comprendre que des apports nutritionnels insuffisants ne sont ni la principale ni la seule cause d’agitation et de pleurs chez le nourrisson, que l’allaitement repose sur le principe de l’offre et de la demande et que les nourrissons sont capables de réguler leurs besoins pour peu qu’ils tètent de façon efficace et aient accès au sein sans restriction
– de faire savoir que la croissance des nourrissons allaités diffère de celle des enfants nourris au substitut de lait.
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À retenir :

-       le manque de lait réel est très rare, le plus souvent il s’agit d’une perception erronée

-       dans 1 à 5 % des cas, c’est physiologique (anomalies du développement de la glande mammaire, problèmes endocriniens, chirurgie de réduction mammaire ayant entrainé des lésions les canaux lactifères)

-       dans 95 à 99 % des cas, il est dû à une conduite inappropriée de l’allaitement et l’on peut donc facilement y remédier : l’enfant doit avoir un accès non limité au sein et les tétées doivent être efficaces. C’est le principe de l’offre et la demande, le sein produit en fonction des besoins de l’enfant (la nature est bien faite, hein ?! Pour en savoir plus sur cette histoire de tétées efficaces, c’est ici et par exemple, et sur la physiologie de la lactation, où comment bébé régule lui même la production de lait en fonction de ses besoins, c’est par , ou bien pour ceux qui aiment les cours universitaires ou encore ici sur le site la Leche League).
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  • Pourquoi le mythe du « manque de lait » perdure ?

Dans une thèse de médecine soutenue en 2011 par Nathalie Cibaud-Le Turdu et intitulée « Allaitement maternel et insuffisance de lait. Prise en charge en médecine générale » , on peut lire ceci :
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La plupart des médecins généralistes interrogés possèdent des connaissances théoriques satisfaisantes pour corriger les erreurs de pratique d’allaitement qui conduisent bien souvent à une insuffisance de production lactée.

Nombreux sont ceux qui considèrent la plainte d’un « manque de lait » comme subjective, liée à un manque de motivation et/ou de confiance en soi de la mère allaitante, dans un environnement souvent insuffisamment soutenant.
Cependant, leur conduite à tenir pour relancer la lactation est parfois parasitée par des idées reçues et des pratiques culturelles erronées et non actualisées.
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Bon,  mes poils se hérissent à la lecture des mots « généraliste » (c’est bien le dernier professionnel de santé à qui j’irai demander des conseils en matière d’allaitement ! En même temps je vis dans une grande ville, où se trouvent pléthores de sages-femmes, puéricultrices, pédiatres et autres conseillères en lactation…), à la lecture de l’expression « manque de motivation » (ah ouais, donc comme d’hab, c’est de la faute de la mère bien sûr…), et enfin « idées reçues » (je ne savais pas que la médecine se basait sur des idées reçues, je penchais plutôt pour une médecine basée sur les faits personnellement…)

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Mais le texte le plus intéressant sur ce sujet est selon moi l’article « Allaitement maternel, l’insuffisance de lait est un mythe culturellement construit. » paru en 2003 dans Spirale (revue de recherche en éducation), sous la plume du Dr Gisèle Gremmo-Feger, pédiatre au CHU de Brest et consultante en lactation IBCLC, bien connue de ceux qui s’intéressent à l’allaitement. Dans cet article donc, on lit :
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La croyance que beaucoup de mères ne sont pas capables de produire assez de lait est profondément enracinée et extrêmement répandue.

L’expression « syndrome d’insuffisance de lait » est apparue dans la littérature biomédicale et anthropologique au début des années 80. Ce nouveau syndrome a été rattaché aux pratiques d’allaitement inadaptées (mise à distance de la mère et de l’enfant et règles horaires rigides) et à la très large diffusion des laits industriels.

La prévalence élevée de ce syndrome dans la plupart des pays occidentaux contraste avec sa rareté dans les pays où l’allaitement maternel est très valorisé et le recours aux laits artificiels beaucoup moins facile, de même qu’il était quasiment inconnu à l’époque où l’allaitement était encore la norme et le mode d’alimentation prépondérant dans les pays occidentaux.
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Plus loin :

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Pour les parents et les professionnels de santé le problème d’une « insuffisance de lait » se pose dans différentes circonstances : croissance pondérale lente ou stagnation pondérale, perte de poids, pleurs ou agitation de l’enfant ̧ changements de ses rythmes de sommeil et notamment besoin de téter la nuit, nombre élevé de tétées, tétées très longues ou encore perception de seins souples, disparition des « fuites » de lait. Il peut aussi s’agir de modifications dans l’aspect ou la fréquence des selles, faisant douter de la qualité du lait.

On ne connaît pas de manière précise l’incidence du problème car il y a peu d’études disponibles. Il n’y a pas non plus de définition précise de l’insuffisance de lait et dans ce contexte il est essentiel d’essayer de différencier :

- une incapacité physiologique maternelle à produire du lait ou assez de lait
- une insuffisance de lait « secondaire »
- la crainte ou la perception d’un manque de lait
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Puis elle conclut :

Dans une culture où le poids des règles imposées par l’alimentation artificielle est si fort, où le besoin de définir des normes est si grand et où la quête de performance, reflétée chez un nourrisson par son aptitude à rester seul et à « faire ses nuits » précocement est aussi obsédante, un besoin élevé de tétées du fait et de la physiologie de la lactation et des besoins pas uniquement nutritionnels des nourrissons, a de fortes chances de se solder par un arrêt précoce de l’allaitement. Notre environnement socioculturel ne favorise pas la proximité mère / bébé et c’est pourtant le corollaire indispensable à la pratique d’un allaitement réellement à la demande.

Pour dissiper enfin le mythe de l’insuffisance de lait, formation des professionnels de santé et éducation des familles sont indispensables.
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À retenir :

-       Une femme peut être amenée à penser qu’elle manque de lait parce que son bébé pleure beaucoup, ne dort pas « bien », a une courbe de croissance qui ne correspond pas « à la norme », ou qu’un de ces paramètres se met soudainement à changer sans qu’elle comprenne pourquoi, ou encore tout simplement parce que son entourage, voire pire, un professionnel de santé, le lui suggère…

-       Cette croyance qu’il peut exister un manque de lait est profondément ancrée dans notre société occidentale, française du moins, où l’allaitement est encore minoritaire.

-       Ce n’est qu’en informant les femmes ET les professionnels de santé que nous pourrons faire cesser ce mythe
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Et voilà, comme d’habitude, on en revient toujours et encore au même problème : l’ IN-FOR-MA-TION !!

Ce n’est qu’en informant les femmes, en leur donnant de bons conseils, en les soutenant lorsqu’elles en ont besoin, que nous dépasseront cette triste réalité où presque la moitié d’entre elles abandonnent l’allaitement pour un problème qui n’existe tout simplement pas !
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